Au numéro 3 de la rue Raymond Fassin, Ackenbush-Malakoff
La porte n°1 est de tôle et coulisse. Panneau d’un seul vantail — nu et lisse sous la main. (Code d’accès : la matière). Elle ne bat ni ne claque : elle glisse ; et glissant s’efface. Non sans aplomb, chacun de ses mouvements, trace au sol, bruit feutré, dessine — parallèle à la rue qui la borde — l’abstraction d’une droite. Sa linéarité cadastrale invite à lire le seuil autant qu’à le passer. Affranchissement du sens de la circulation comme elle va.
La porte n°2 est d’air et roule comme on rôde, à l’envers, à l’endroit, tête en l’air, rail en bas. Part invisible de la porte n°1 dont elle prolonge le verso, elle la tire — parti pris de fiction — au-delà de sa clôture, suit son seuil pour mieux l’en distraire, répète mot à mot son embrasure, juste à côté. Son cadre vide, entre deux syncopes, œuvre, chiffonne l’acier, le plisse, y laisse un texte — paysage ou visage, on ne sait — de lin brut et roux séché par gros vent.
Tu tournes le dos à l’une et à l’autre porte. Dans l’écho qui les noue, tu vois la surface des murs tendue comme toile. Au centre, deux banquettes. Le sol, que file de bout en bout le mélèze, accorde sa matité. Grain des poutres et rails d’acier poncé.Le patio, en retrait, transparence sur deux de ses côtés, tour à tour superpose et sépare la partie et le tout, désarrime ton œil : devant-derrière, dehors-dedans neigent. Sol qui vire au pont. À un mètre du toit, le zinc galvanisé — rectangles d’opacité vive. Plus haut, le ciel se hisse puis coule le long d’un pan de mur ocre, côté rue.
Premier étage : au bord d’une coursive, un filet horizontal récupère le vide où passe la lumière, du toit au rez-de-chaussée. Renversements.
La porte n°3 est de vitre et réserve un passage d’hiver au patio. Elle ne glisse pas, elle pivote ; seule, jusqu’ici, à emprunter la façon des portes ordinaires. (Sur le même panneau, sa réplique formelle, aussi haute, aussi mince, mais fixe. Fausse porte en faction, vraie fenêtre qui donne au regard ce qu’elle retire au corps, enregistre une image en hélice : neuf marches « derrière la vitre »).
La porte n°3 pourrait ne pas exister. Sa tourne — facultative — déplie le temps roulé dans un coin, l’ombre du bambou, l’anse d’un fauteuil, à l’étage, que frôle un buisson de ronces. Au détour, elle enregistre un détail, le décompose trait à trait, l’étoile au rebond de son tain, le laisse filer : fuseau d’obliques — staccato. Qu’on la passe ou qu’on l’oublie, son échappée accélère les migrations selon une loi qui veut que le bien distribué soit redistribué. Encore.
Tu dessines la coupe franche d’une terrasse (tout autour — paysage sautillant de film muet — un tohu-bohu de toits en tôle ondulée) : « Ils rouilleraient à des vitesses variables. »
Marie C. Poix-Tétu